En balade à Bergerac avec l’Edition Périgord !
Best of Bergerac a demandé à Frédéric LEMONT, directeur et rédacteur en chef du magazine l’Edition Périgord, de livrer ses impressions, ses anecdotes érudites et ses découvertes lors de sa balade à Bergerac l’étape incontournable du Périgord Pourpre.
Partons nous promener dans la splendide cité de Bergerac en prenant le temps de flâner un peu dans ses charmantes rues chargées d’histoire et de caractère avant d’en découvrir plus sur les appellations des vins de ce terroir incomparable…
Le cœur de la ville ancienne
La place Pélissière, qui descend vers la rivière, véritable artère de la ville, est un paysage de carte postale à elle toute seule. Ou plutôt, plusieurs paysages puisqu’elle s’articule en différentes parties. C’est autour de cette place qu’on trouve les plus beaux témoignages de l’architecture locale du XIVe, XVe et XVIe siècles, réhabilités dans les années 1980.
“C’est une péninsule”
Comment évoquer Bergerac sans automatiquement songer au Cyrano d’ Edmond Rostand ? Ce n’est pas un, mais deux Cyrano qu’on peut croiser dans “L’îlot de l’ancien pont”.
La première statue se situe place Pélissière, juste à côté de l’église médiévale Saint-Jacques dont la construction a débuté au XVIe siècle. Le (long) nez en l’air, ce Cyrano de bronze coloré scrute le balcon en bois du mur-clocher de l’édifice religieux. Où est sa Roxane ?
La seconde statue est en pierre. Elle se trouve place de la Mirpe. Lors de son installation, son nez était régulièrement arraché par des malfaisants — la mairie a même dû constituer un petit stock de ces nez au cas où…
Les beaux quartiers
Dès que l’on sort de la vieille ville, on découvre d’élégantes et larges rues et avenues. Des bâtiments tels que le tribunal, les anciennes Nouvelles Galeries ou encore l’église néogothique Notre-Dame édifiée par l’architecte Paul Abadie (le même que celui qui orchestra les travaux du Sacré-Cœur) entre 1856 et 1865 sur des plans de Viollet-Le-Duc, atteste que Bergerac a été un port fluvial marchand prospère.
À votre santé !
La Maison des vins, située dans l’ancien Cloître des Récollets, est un lieu incontournable. Nous tombons sur Jean-Baptiste ROUX, le propriétaire du Domaine de BONVIN qui fait déguster son vin. Chaque jour en effet, un vigneron différent y fait découvrir son métier et sa production. La Maison des vins, qui édite le très utile Guide de la Route des Vins (130 domaines), c’est aussi l’exposition “Le Vin est Voyage” et une vinothèque des plus conviviales. C’est enfin une très belle architecture qui mixe l’histoire et le contemporain sous la forme du Quai Cyrano.
Une capsule temporelle
Revenons un instant place de la Mirpe. Impossible de ne pas être pris d’une envie irrésistible de nous arrêter là et de flâner un peu. Ses maisons anciennes à colombage semblent avoir traversé les siècles fièrement. À l’ombre des marronniers, on se prend à imaginer l’effervescence qui devait régner ici lorsque le port, situé à quelques dizaines de mètres de là, était l’un des plus importants d’Aquitaine et que les gabarres attendaient leur tour pour accoster.
La ville était alors si riche qu’on dit même que lors de la venue de Catherine de Médicis, “les fontaines de la rue des Fontaines crachaient du vin pour réveiller les ardeurs des catholiques !”
De la religion à la viticulture
En juillet 1621, c’est le bon roi Louis XIII lui-même qui a accordé à l’ordre des Récollets un terrain près de la Dordogne pour y établir ce magnifique cloître afin de ranimer la foi catholique dans la ville. Ces fameux Récollets, de l’Ordo fratrum minorum recollectorum (l’Ordre des frères mineurs recueillis), appartenaient à la tendance dite “observante” des franciscains, ordre religieux lui-même inspiré par Saint François d’Assise. Le cloître s’articule autour d’une cour intérieure carrée bordée par une galerie reposant sur des colonnes cannelées. Ses murs de brique et de pierre entourent et protègent le superbe paulownia — sa floraison printanière est un spectacle à elle toute seule. À la Révolution, les ordres monastiques sont supprimés dans un élan anticlérical radical. Les protestants rachètent alors la chapelle pour y établir un temple où le culte y est célébré depuis 1797.
Les anciens bâtiments du cloître ont quant à eux été rachetés en 1954 par le Conseil interprofessionnel des vins de la région de Bergerac qui, après une restauration minutieuse, a choisi d’y établir son siège et la Maison des vins chargée de promouvoir les treize appellations bergeracoises.
Le saumon
Située place de la Madeleine, la Fontaine des saumons du sculpteur Henri Redon célèbre ce poisson qui proliférait depuis des millénaires dans la Dordogne avant de disparaître. Sa réintroduction est en cours et le saumon sauvage revient en Dordogne pour sa reproduction saisonnière…
La batellerie
Déjà à l’époque gallo-romaine, la Dordogne était la principale voie de communication entre le Massif central et l’Atlantique. Bien sûr, la rivière n’était pas praticable toute l’année et il fallait attendre les pluies d’automne pour qu’il y ait suffisamment d’eau pour naviguer. Les gabarriers affrontaient alors les rapides de la haute Dordogne sur des “Courpets”, des embarcations assez rudimentaires. Bien entendu : hors de question de remonter le courant avec ces bateaux. Une fois arrivés à bon port, ils étaient donc détruits pour que le bois soit vendu en même temps que leurs cargaisons. Depuis Souillac, les gabarres devaient affronter les rapides du Saut de la Gratusse avant d’arriver dans la Dordogne viticole. Elles transportaient les pierres à moulin de Domme, les canons des forges du Périgord, et surtout les vins de Bergerac, de Sainte-Foy-la-Grande et de Castillon-la-Bataille. L’arrivée du chemin de fer au XIXe siècle mit malheureusement peu à peu fin à ce mode de transport fluvial…
Marcher sur l’eau
Le “Vieux pont” fait partie du quotidien des Bergeracois depuis le XIIIe siècle. Son histoire est tumultueuse. Plusieurs fois endommagé et détruit par des crues, la version élégante et sobre que nous pouvons admirer aujourd’hui date du début du XIXe siècle. L’édifice échappe à une tentative de minage en 1940 annulée in extremis, puis à un bombardement par avion. En quittant la région, les Allemands n’eurent pas le temps de le faire sauter.
Pas de fumée sans feu
Ce curieux animal est “Le Dragon”, une pipe en bruyère exposée au Musée du Tabac de Bergerac. La culture du tabac en Dordogne a en effet été un très bon moyen pour les paysans de sortir du système d’autosubsistance. En décembre 1857, cette culture très encadrée par l’État est autorisée dans le département de la Dordogne. Les fermes y voient alors un moyen de s’assurer une rentrée d’argent significative en travaillant pour la Régie nationale des tabacs. Ce musée passionnant présente des collections d’objets uniques en Europe et raconte l’histoire des usages du tabac et des objets liés à sa consommation. Il est installé dans la Maison Peyrarède, dite “château Henri IV”, dont l’architecture du XVIIe siècle témoigne du passage de la Renaissance au Classicisme.
Toscane ou Dordogne ?
Après un bon déjeuner généreux servi par une équipe de bonne humeur à L’Omelettaria rien de tel qu’une petite promenade dans les vignobles du Bergeracois. On peut alors choisir de s’arrêter dans un domaine — “Le Domaine du Haut Montlong”, par exemple. Mais on peut aussi décider d’admirer le paysage si spectaculaire.
“On se croirait en Toscane, avec tous ces vignobles, ces petites collines et ces vins délicieux qui méritent d’être connus ! ”, nous lance un touriste canadien enthousiaste. Il n’a pas tort, le bougre ! Profitons donc de la beauté de ce pays…
Monbazillac, château de contes de fées
Vers 1550, le château est construit d’un seul jet par Charles d’Aydie. Le plan est simple et efficace : un rectangle délimité par quatre massives tours circulaires. Les défenses d’usage sont là : mâchicoulis, meurtrières, créneaux et chemin de ronde. À la Renaissance, il est remanié pour le mettre aux goûts du jour. En 1960, le château est acheté par la Cave coopérative de Monbazillac qui commercialise le vin des 25 hectares de vignes qui l’entourent. L’institution décide d’en faire un musée. On traverse le grand salon, la salle d’apparat avec son plafond à la française, sa cheminée renaissance et un magnifique parquet à chevron en point de Hongrie en chêne, merisier et sapin. Puis, c’est le petit salon mis en valeur par des meubles périgourdins du XVIIe siècle.
Au fil de la visite, on découvre la salle à manger du tragédien Mounet-Sully (1841-1916), des gravures d’Albrecht Dürer (1471-1528), peintre et graveur allemand, des estampes et dessins originaux du caricaturiste périgourdin SEM (1863-1934). La plus grande salle du premier étage accueille régulièrement des artistes contemporains.
Du pain, mais aussi…
Au sous-sol du château, l’une des pièces principales est parfaitement conservée: la cuisine. On peut y voir son puits, dans lequel on pouvait directement puiser de l’eau, sans avoir à sortir de l’édifice. Ici, c’est le four à pain que nous avons choisi de mettre en avant. Parfaitement typique de l’architecture de la région — la fumée s’échappait par le devant de la porte vers un conduit relié à une cheminée. Lorsque le four avait bien été utilisé pour cuire les grosses tourtes de pain, on s’en servait pour faire sécher des prunes. Résultat : de délicieux pruneaux que l’on pouvait conserver et déguster à tout moment. Les fours à pain sont une vraie culture dans les campagnes du Périgord. Le pain, souvent trempé dans la soupe de légumes qui mijotait sur le feu de cheminée du cantou, était la principale source d’énergie.
Un lieu majestueux
Nous entrons ici dans le grand salon. Puis, répartis dans différentes pièces : les vieux métiers liés à la culture de la vigne et au commerce du vin, des gravures et archives relatives aux guerres de religion qui ont opposé catholiques et protestants, les seigneurs de Monbazillac ayant apporté leur protection aux assemblées protestantes.
Sous les voûtes
Dans les caves, un musée du vin nous guide dans le vignoble. On y contemple des objets et outils destinés à la culture de la vigne, une exposition didactique permanente décrypte l’histoire de Monbazillac et de sa prestigieuse appellation, le calendrier des travaux agricoles et l’histoire de la cave de Monbazillac, propriétaire du site…